Hello ! Topic très intéressant ... surement parce que je bosse dessus en ce moment
!
Moi non plus je ne suis pas un fervent défenseur de l'EIRL, parce que les avantages avancés ne sont pas si déterminants que cela ...
Pour vous expliquer mon point de vue, je vais rebondir sur certaines choses dites auparavant.
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Danae"
:bi46emwd]Personnellement, je suis assez sceptique... D'abord parce qu'ils désacralisent notre jolie principe d'unicité du patrimoine.
Si je peux me permettre, c'est un faux argument ... puisque l'EIRL ne constitue que l'assaut final sur ce principe, déjà mis à mal par le droit dans de nombreux cas. On peut ainsi citer ... l'EURL (qui n'est au final rien d'autre qu'un patrimoine d'affectation par interposition d'une personne morale), la fortune de mer (bien connue par les juristes maritimes) ou très récemment la fiducie (qui parle d'un patrimoine fiduciaire, pour ne pas dire patrimoine d'affectation). Donc l'EIRL ne consacre pas à lui tout seul l'avènement de la théorie du patrimoine d'affectation en droit français, il s'affranchit simplement d'une certaine hypocrisie du législateur.
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nikola"
:bi46emwd]Les questions que je soulève sont d'ordre purement pratique.
Une EIRL est en somme une sorte de société (l'EURL) mais sans personnalité juridique. On pourrait encore dire qu'en instaurant l'EIRL, on
prend les effets d'une société mais pas les formalités et l'architecture. Je penserai plutôt l'inverse au final ... On n'a pas véritablement les effets d'une société, puisqu'on n'a pas de personnalité morale. Mais on en a tout de même des formalités très similaires et une architecture assez comparable.
Concernant les formalités, regardez simplement le régime de l'EIRL. Lors de la formation, il faut faire une déclaration d'affectation : document écrit dans lequel on doit dire ce qui compose le patrimoine d'affectation, mais aussi son objet (l'activité exercée au sein de ce patrimoine) ... cela ne vous rappelle-t-il pas les statuts de l'EURL ? Ensuite, il faut donner une valeur aux éléments qui composent ce patrimoine, sous peine de sanction en cas d'oubli ou de mauvaise évaluation ... cela ne vous rappelle-t-il pas les procédures d'évaluation des apports en société ?
Ensuite, en cours de vie de l'EIRL, il faut tenir une comptabilité précise et déposer les comptes annuels de l'activité régie sous le patrimoine d'affectation ... On a donc un régime très similaire à l'EURL.
La fin de l'EIRL ressemble enfin à celle de l'EURL, puisqu'on va liquider le patrimoine avant de le réintégrer au patrimoine personnel de l'entrepreneur ... ce qui rappelle la survie de la personnalité morale dans la même situation.
Concernant l'architecture, je ne sais pas si vous avez lu les articles écrits par un notaire dont j'ai oublié le nom, qui propose le concept de propersonnalité. Il explique en substance que l'EIRL revient à créer un dédoublement de personnalité : d'un coté on a la personnalité privée, avec un patrimoine privé et personnel. De l'autre, on a la personnalité professionnelle, avec le patrimoine professionnel. Cela permettrait selon l'auteur de restaurer le principe d'unicité du patrimoine.
C'est un raisonnement très intéressant certes ... mais inutile, puisqu'il revient à créer une autre personnalité, qui vous en conviendrez, est totalement fictive. Et ce recours à une nouvelle personnalité n'apporte au final rien : c'est le même schéma que le recours à la personnalité morale, avec simplement des dénominations différentes.
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nikola"
:bi46emwd]Puisque avec l'EIRL une personne peut créer un patrimoine d'affectation pour son activité professionnelle, on la rapproche de l'EURL dans le sens où la
société a son propre patrimoine.
Puisque avec l'EIRL on peut avoir une procédure collective propre à ce patrimoine, on le rapproche de l'EURL en ce sens où une société peut être touchée elle-même par une procédure collective.
La société a son propre patrimoine, et ca change quand même beaucoup de choses ! Puisque c'est une personne indépendante avec un patrimoine indépendant, elle dispose d'un intérêt indépendant de celle de l'associé unique : c'est ce qu'on appelle l'intérêt social, intérêt que doit bien évidemment respecter l'associé. S'il ne le respecte pas, notamment pour des mouvements anormaux entre patrimoines, il risque de se voir poursuivi pour abus de biens sociaux, qui est fondé sur l'intérêt social.
L'EIRL n'est pas une société, donc il n'y a pas d'intérêt social ... ce qui peut libérer l'associé d'un certain nombre de contraintes de gestion en apparence. Cependant, et vous avez dû le voir dans la dissertation, le droit des entreprises en difficulté sanctionne lui aussi les mouvements anormaux entre les patrimoines, puisqu'il prévoit dans ce cas une réunion des patrimoines : les créanciers professionnels pourront ainsi se servir dans le patrimoine personnel de l'entrepreneur débiteur. Et vu les conditions dans lesquelles cette réunion sera possible, on se dit que le cloisonnement étanche des patrimoines tombera relativement souvent (réponse avec les premières décisions sur ce point).
Concernant la soumission de l'EIRL à une procédure collective, la question qui va se poser sera celle de l'articulation avec le droit du surendettement qui touchera l'entrepreneur sur son patrimoine personnel ...
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nikola"
:bi46emwd]Pourquoi ne pas tout simplement "
alléger"
les formalités de la constitution de l'EURL pour que les personnes puissent développer une activité par le biais d'une société ?
Certes, les formalités de constitution sont plus lourdes pour constituer une société...
Certes, la société offre peut être moins de marge de manœuvre dans le sens où l'EIRL offre la possibilité d'affecter un bien du patrimoine ou de le retirer par simple déclaration.
Mais, justement, nous connaissons le phénomène de dépénalisation du droit des affaires. Et permettre plus de liberté pour les individus permet de les inciter à créer des entreprises. Mais va-t-on prendre le risque de créer une entreprise en choisissant l'EIRL qui est encore toute floue ?